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Desserte transport public dans la campagne genevoise

Mobilité inclusive : comment les transports favorisent la cohésion sociale ?

01.12.2025 
 |  Equipe evomoov
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Comportements et société
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Comment garantir que la transition vers une mobilité plus durable ne soit pas la source de nouvelles inégalités ? La mobilité inclusive garantit l'accès équitable aux solutions de transport pour l’ensemble des habitantes et habitants d'un territoire, quels que soient leurs revenus ou leurs capacités. Pour les organisations, elle fluidifie l'accès à l'emploi et améliore la rétention des talents. Pour les collectivités, elle renforce l'acceptabilité des politiques de transformation territoriale.

Cette approche transforme aujourd'hui l'Europe urbaine, révélant comment l'innovation territoriale peut créer de l'équité sociale. Pour autant, lorsque les politiques environnementales minimisent les réalités sociales, elles prennent le risque d'exclure les populations fragiles. Dans ce contexte, comment les territoires transfrontaliers concilient-ils durabilité et inclusion ?

L'inclusion, nouveau défi des politiques européennes de mobilité

L'Europe vient de comprendre l'ampleur d'un paradoxe : les politiques de mobilité durable risquent de créer de nouvelles fractures sociales. Cette prise de conscience bouleverse les approches traditionnelles et force les métropoles à repenser leurs stratégies de transformation.

Le révélateur ? Le « Social Climate Fund » européen, qui mobilise 86,7 milliards d'euros spécifiquement pour combattre ce que la Commission Européenne appelle désormais la "précarité transport"¹. Cette reconnaissance officielle d'un phénomène longtemps ignoré traduit une urgence nouvelle : concilier transition écologique et justice sociale.

Pourtant, cette volonté politique se heurte à un défi de taille. Aucune métropole européenne ne mesure ce phénomène de la même manière. Stockholm mise tout sur l'accessibilité physique universelle et vise 100% de véhicules accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR) d'ici 2030². À l'inverse, Bruxelles découvre que ses zones à faibles émissions pénalisent 41% des ménages modestes malgré des compensations pour 59% d'entre eux³.

Cette fragmentation révèle l'urgence d'approches territoriales coordonnées. Le canton de Genève a développé des réponses concrètes en matière de mobilité inclusive : prise en charge intégrale de l'abonnement annuel pour les jeunes et 50% pour les seniors, tarif social à 66 CHF par an au lieu de 500 CHF pour les bénéficiaires du revenu d'insertion (SPC), ou encore contributions communales spécifiques pour alléger la charge financière des ménages.

Au niveau transfrontalier, dans le Grand Genève où un résident suisse gagne en moyenne 45% de plus que son voisin français⁴, cette question d'équité nécessite une coordination multimodale au-delà des frontières nationales : l'harmonisation des systèmes tarifaires entre opérateurs suisses et français, la coordination de multiples acteurs de la mobilité, ou encore la création d'une continuité de service malgré le morcellement administratif.

Quand l'innovation territoriale crée de l'équité

Face à ces défis, certaines métropoles européennes inventent des solutions qui réconcilient durabilité et inclusion sociale. Leurs approches contrastées éclairent ce qui fonctionne vraiment sur le terrain.

Vienne illustre l'efficacité d'une approche directe. La capitale autrichienne a créé un tarif social qui divise par trois le coût mensuel des transports publics pour les populations modestes⁵. Cette simplicité génère des résultats immédiats : 100 000 bénéficiaires accèdent désormais facilement à l'ensemble du réseau métropolitain. L'impact dépasse la mobilité : les employeurs viennois constatent une amélioration de l'accessibilité à l'emploi et une réduction de l'absentéisme.

L'expérience néerlandaise révèle à l'inverse les limites des approches purement technologiques. Malgré des investissements considérables dans les pôles de mobilité périphériques, seulement 15% des habitantes et habitants manifestent une intention de modifier leurs habitudes⁶. Cette résistance s'explique par l'absence d'infrastructure de transport public structurante capable de relier ces nouveaux services.

Cette approche territoriale révèle également des inégalités d'usage selon le genre. Les données européennes montrent que 70% des femmes franciliennes adaptent leurs trajets en transport public en raison d'insécurité ressentie, particulièrement aux heures décalées⁷. Ces stratégies d'évitement se conjuguent aux trajets multimodaux complexes liés aux responsabilités familiales, qui caractérisent 25% des déplacements quotidiens⁸.

Ces enseignements européens convergent vers une évidence : l'innovation organisationnelle prime sur l'innovation technologique pour créer de l'équité territoriale. Cette leçon guide l'approche développée dans le Grand Genève, qui mise sur la coordination transfrontalière plutôt que sur la multiplication d'initiatives isolées.

Les 4 piliers de la mobilité inclusive dans le Grand Genève

Le territoire transfrontalier structure sa réponse à cette réalité selon quatre dimensions complémentaires qui transforment les contraintes géographiques et administratives en leviers d'inclusion territoriale.

L'accessibilité financière qui regroupe tarification sociale et budgets de mobilité pour les collectivités. Elle vise à baisser le coût marginal d'accès pour les publics fragiles et harmoniser les tarifs entre opérateurs suisses et français sur les 650 000 franchissements quotidiens⁹.

L'accessibilité géographique qui développe desserte des périphéries et solutions de rabattement vers des pôles multimodaux. Ces hubs intègrent transport public, vélopartage, covoiturage et mobilités actives pour réduire les territoires mal desservis.

L'accessibilité physique universelle qui concerne les personnes à mobilité réduite et les familles, grâce à des aménagements adaptés (quais, ascenseurs, rampes), matériel roulant spécialisé, balises sonores et espaces sécurisés. À l'échelle du canton de Genève, deux ans après l'échéance légale fixée par la LHand, 57%10 des arrêts disposent aujourd’hui d’aménagements permettant une utilisation en toute autonomie ou avec assistance. Cela représente 84%11 des montées et descentes observées sur le réseau tpg ; ce décalage s'explique notamment par les zones périphériques et rurales, où la demande de services PMR reste limitée. Dans ce contexte, accompagner les communes dans la mise aux normes leur permet de prioriser les aménagements selon les usages réels. 

L'accessibilité informationnelle qui coordonne communication multilingue et accompagnement "bout-en-bout" depuis la planification jusqu'à destination, intégrant canaux numériques et supports imprimés, afin de réduire la charge cognitive et fiabiliser les choix de trajets porte-à-porte.

La mise en œuvre concrète de ces 4 piliers repose sur des démarches participatives structurées. Cette coordination s'appuie notamment sur les États généraux de la mobilité genevoise (180 représentants en 2023) et le projet ULTIMO associant les tpg, l'Université de Genève, les citoyennes et citoyens dans la co-conception de solutions innovantes12. Une logique qui se traduit concrètement par un système multimodal intégré associant transport public, vélopartage, covoiturage, mobilité douce et partenariats spécialisés selon une vision territoriale cohérente. Pour les employeurs, cette multimodalité renforcée facilite le recrutement transfrontalier et propose des solutions flexibles pour leurs équipes. Pour les collectivités, elle optimise les investissements en créant des synergies entre modes plutôt que des initiatives concurrentes. 

Conclusion

A l’aube de ces constats, l'impact de la mobilité sur la cohésion sociale se juge à l'accès réel qu'elle offre aux personnes et aux territoires, bien au-delà des seules déclarations d'intention.

Concrètement, cette inclusion se construit par complémentarité : tarification sociale et budgets de mobilité ; dessertes des périphéries et rabattements vers des pôles; aménagements universels et services adaptés ; information multilingue et accompagnement numérique continus. Dans ce contexte, l'approche développée par les tpg avec tpg evomoov, combinant méthodologie collaborative et connaissance territoriale approfondie pour offrir un écosystème complet de solutions multimodales, permet d'accompagner employeurs et collectivités dans cette mutation stratégique vers l'inclusion territoriale.

Pour passer de l'intention à l'action, nous vous proposons d'identifier rapidement vos leviers d'action prioritaires grâce aux outils ci-dessous. Nos expertes et experts tpg evomoov se tiennent à votre disposition pour approfondir cette évaluation et vous accompagner dans votre démarche.

Mesurez votre potentiel d'inclusion territoriale

Diagnostic 4 piliers : votre position en 2 minutes

  1. Évaluez la maturité inclusive de votre organisation ou collectivité

Pour chaque pilier, attribuez-vous 1, 2 ou 3 points selon votre niveau actuel

Potentiel d'inclusion territoriale

Résultat total : ___/12

Interprétation de votre score :

  • 4-6 points : Risque d'exclusion territoriale - action requise

  • 7-9 points : Progrès significatifs accomplis - optimisation possible

  • 10-12 points : Leadership territorial établi - capitaliser sur cette avance

     

     2. Aide à la décision : mettre en place un soutien financier à la mobilité

Objectif : Déterminer si et comment votre collectivité peut participer financièrement pour faciliter l'accès aux transports de ses habitantes et habitants.

Mode d'emploi : Passez en revue chaque question ci-dessous. Si vous répondez "non" ou "je ne sais pas" à plus de 3 questions, un accompagnement expert est recommandé avant de lancer le projet.

  • Avez-vous défini vos publics prioritaires ? (Ex : revenus inférieurs à X CHF, familles monoparentales, résidents de zones mal desservies)
  • Avez-vous des critères d'éligibilité clairs ? (Ex : justificatifs acceptés, durée de validité, procédure de renouvellement simple)
  • Avez-vous estimé les coûts de gestion ? (Ex : personnel dédié, plateforme digitale, contrôles, communication)
  • Avez-vous anticipé les difficultés ? (Ex : effet de stigmatisation, complexité administrative, fraudes potentielles)
  • Avez-vous défini vos indicateurs de réussite ? (Ex : nombre d'utilisateurs, satisfaction, impact sur la fréquentation)

Inspiration : À Vienne, un tarif réduit de 65% touche 100 000 personnes avec des critères transparents et une gestion simplifiée.

Sources et références

¹ Social Climate Fund — Regulation (EU) 2023/955 (texte officiel)

² Trafikanalys (SE) — « Kollektivtrafikens tillgänglighet 2023 »

³ IEEP — « Low Emission Zones: Navigating Social Challenges » (2024)

INSEE & OCSTAT — Observatoire statistique transfrontalier (Grand Genève)

Ville de Vienne (MA40) — Mobilpass (tarification sociale)

SHAREdiMOBI HUB — Case study (Urban Mobility Observatory)

Franceinfo — « Sept femmes sur dix ont vécu des violences sexistes et sexuelles dans les transports franciliens » (mars 2025)

EIGE — Gender Equality Index 2023: towards a green transition in transport and energy

GLCT Grand Genève — « Feuille de route mobilités transfrontalières 2024-2027 » (PDF)

¹⁰ tpg, étude interne relative au réseau tpg (octobre 2025) 

¹¹ tpg, étude interne relative au réseau tpg (octobre 2025)

¹² Canton de Genève — « Réconcilier les usagers - Plan mobilité Genève » (États généraux 2023) et Open Geneva — « Le projet ULTIMO »